Interview – La Garde du Patrimoine

Interview La Garde du Patrimoine

Pour l’association du Rayonnement Français, Simon Vasseur, photographe au service du patrimoine, revient sur son parcours et sa passion.

 

La Garde du Patrimoine est votre marque professionnelle de fabrique. Pourquoi avoir choisi ce nom ?

Nommer un projet pour lequel on envisage de donner toute son énergie n’est jamais simple !
Je cherchais avant tout à pouvoir inclure ma communauté dans ma démarche de mise en valeur du patrimoine. Il me fallait donc un nom que je pourrais facilement décliner pour créer un sentiment d’appartenance, mais aussi un nom qui montre mon engagement. Une bonne partie de notre patrimoine étant aujourd’hui menacé de disparition dans les prochaines années, il avait plus que jamais besoin que la nouvelle génération se constitue en « Gardiens du Patrimoine » !

— Vous êtes un photographe de talent. Quel est votre parcours professionnel ?

Je vous remercie. Mon parcours professionnel est assez original ! J’ai commencé par des études d’informatique, étant passionné par le développement d’applications web à cette période de ma vie. J’ai travaillé en apprentissage dans une grande entreprise française, où je n’avais pas à me plaindre de ma situation. Cependant, comme de plus en plus de personnes de ma génération, j’ai vite senti que je ne serai jamais pleinement épanoui dans le salariat, et j’ai rapidement pris la décision d’arrêter mes études et de quitter mon poste pour me concentrer sur mes projets personnels.

J’avais d’abord pour ambition de créer une entreprise dans le développement de logiciels, mais je tenais avant cela à prendre une année pour voyager et découvrir la France. J’ai ainsi acheté mon premier appareil photo début 2020, avec l’envie de partager mes aventures sur les réseaux sociaux, et j’ai passé une bonne partie de l’année sur les routes de France. La Garde du Patrimoine venait de naître, bien que ce ne soit dans une version bien moins qualitative qu’aujourd’hui ! Ma formation à la photographie et à la communication s’est faite en autodidacte, au fil de mes voyages et de mes publications sur les réseaux sociaux.

— La défense du patrimoine, une cause d’utilité nationale selon vous ?

Bien entendu. Il y a de nombreux sujets qui valent la peine de se battre aujourd’hui, et le patrimoine doit en faire partie. Un pays, c’est un peuple, une culture, mais c’est aussi des pierres qui sont les gardiennes de son Histoire. Il y a des lavoirs qui ont été utilisés et entretenus pendant des siècles, jusqu’à la génération de nos grands-parents, et qui menacent aujourd’hui d’être remplacés par un parking ou un supermarché. Des moulins qui ont nourri des générations de français et autour desquels des communautés se sont formées disparaissent, faute d’entretien. Des églises dans lesquelles on s’est marié depuis 1000 ans s’effondrent parce que des maires démunis n’ont plus les moyens de les réparer.

La liste est sans fin, et à chaque fois, c’est un petit bout de France qui disparaît, parfois à tout jamais.

— Quel regard portez-vous justement sur l’action du gouvernement en matière de protection de patrimoine ?

On entend régulièrement le gouvernement aborder la question du patrimoine, si bien que les citoyens ont parfois l’impression qu’il s’occupe de ce sujet. En réalité, on a l’impression qu’il se sert de l’un des derniers sujets qui soient encore consensuels pour faire de la communication politicienne, mais aucune mesure concrète n’est prise… Les initiatives privées et associatives sont nombreuses, des personnes de bonne volonté s’activent tous les jours pour sauver nos édifices, mais tous manquent cruellement de moyens. La question du patrimoine devrait ainsi être approchée de manière globale et territoriale, puisque le nombre de lieux à sauver ne permet plus d’en parler individuellement. Stéphane Bern avait dans ce sens appelé à la création d’un secrétariat d’État au patrimoine. Un an après, rien n’a changé…

Il serait cependant injuste de rejeter la faute sur l’unique gouvernement actuel, puisque cela fait bien longtemps que les politiciens semblent avoir abandonné la question. Seuls certains élus locaux se battent encore.

— Le succès des Journées du Patrimoine ne se démentent pas. Comment expliquez-vous cet engouement de la part des Français (es) ?

Effectivement, cette initiative des JEP prouve que les français sont encore attachés à leurs belles pierres et à leur patrimoine ! Bien-sûr, l’incendie tragique de Notre-Dame de Paris a joué à la prise de conscience générale, mais j’aime penser que cette popularité vient d’une dynamique plus profonde. Le coeur de l’Homme aspire à la beauté, et on ne peut pas vivre indéfiniment au milieu de zones industrielles et de bâtiments sans âmes pour se sentir épanoui. Les habitudes de tourisme sont aussi en train de changer. Que ce soit pour des raisons écologiques ou financières, les gens ne voyagent plus autant qu’avant, et ont besoin de s’enraciner à nouveau dans leurs territoires.

Le patrimoine, comme la nature, constitue une véritable oasis dans laquelle on peut se ressourcer quand le quotidien devient pesant.

— Pensez-vous que, grâce à votre travail, vous arrivez à sensibiliser  les Français à leur patrimoine ?

Je le pense, oui ! Je discute beaucoup avec ma communauté via la messagerie Instagram, et je reçois régulièrement des témoignages qui vont dans ce sens. Des abonnés me remercient de l’avoir fait découvrir des lieux proches de chez eux, ou même me remercient après avoir traversé la France pour découvrir une région que j’ai présenté. J’ai même reçu des messages de jeunes qui ont découvert mon travail au lycée et se sont orientés vers des études qui leur permettront de travailler dans le monde du patrimoine !

Ces messages sont la meilleure récompense que l’on puisse m’offrir !

— Quel est le lieu le plus emblématique de France qui vous a profondément marqué et pourquoi ce choix ?

Poser cette question à quelqu’un qui a parcouru la France pendant 4 ans relève de la torture !
D’instinct, j’aurais pensé au Mont-Saint-Michel. À force de le voir en photo, on ne se rend plus compte de la chance que l’on a de posséder cette merveille sur notre territoire. Mais pour une réponse plus originale, je vais dire que la découverte qui m’a le plus marqué est la ville du Puy-en-Velay ! C’est une ville construite en pierre volcanique qui a su garder le charme de son authenticité, et qui regorge de monuments exceptionnels.

Comme au Mont-Saint-Michel, on dirait presque que cette ville est un décor de film !

— Quels sont vos projets à court terme ?

La croissance soutenue de mon projet m’ouvre plein de nouvelles perspectives pour 2024, que je compte bien saisir pour continuer à faire ce que j’aime et à promouvoir le patrimoine auprès de la jeunesse. Dans les prochaines semaines, de nouveaux formats vont arriver sur mes réseaux sociaux, notamment de courts reportages voix-off qui m’ont été beaucoup réclamés par ma communauté ! Ces nouveaux formats et la visibilité qu’ils vont m’apporter vont me permettre de développer de nouveaux partenariats avec les acteurs du tourisme et du patrimoine en France, et ainsi financer de nouveaux projets plus ambitieux.

Pour la partie artistique, j’envisage de me former pour devenir télépilote de drone, et commencer enfin la photographie aérienne. Cette année 2024 devrait aussi être celle de ma première exposition, pour laquelle j’ai déjà quelques idées de lieux… Quoi qu’il arrive, mes projets continueront de tourner autour du patrimoine !

 

Frédéric de Natal

Crédit photo © E. Du Jonchay – Sanctuaire de Montligeon